Bertrand Badie, politologue et spécialiste des relations internationales était interviewé dans les locaux de Sciences Po Paris, le 19 octobre par l’Agora, tribune étudiante de l’EDHEC Business School. Cette nouvelle « Rencontre de l’Agora » est à visionner sur les réseaux sociaux, disponible en intégralité en format podcast sur toutes les plateformes de téléchargement et sur YouTube via le lien suivant : https://youtu.be/4JJy9IhvpvE.
La crise des sous-marins : démonstration d’une puissance transformée
Alors que l’Australie vient de rompre un contrat signé avec la France en 2016 pour la fourniture de sous-marins, elle s’allie avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Cette situation illustre la réalité du déclin de la notion de puissance.
Le terme « déclin » ne semble pourtant pas le plus adapté, Bertrand Badie préfère parler « d’échec ». Après la mondialisation, les relations internationales ont été bouleversées, passant de simples rapports de force a des liens fluides, marqués par interdépendances économiques, sociales, culturelles ou encore technologiques. Au-delà du changement des rapports de force, la notion classique d’alliance doit également être révisée. Autrefois, aucun allié n’envisageait la trahison alors qu’aujourd’hui elle est devenue courante et ne vient pas toujours de ses ennemis.
L’OTAN, une institution devenue impuissante ?
La question de l’efficacité de l’OTAN a pris place dans l’actualité depuis qu’Emmanuel Macron l’a déclaré en état de « mort cérébrale », en 2020. Sa survie n’avait jamais fait l’objet de débats depuis la chute du mur de Berlin d’après Bertrand Badie. Pourtant, sa fonction principale appelée le « containment » du camp soviétique, n’existe plus depuis la chute du mur de Berlin. Or, le climat à l’intérieur de l’OTAN n’est pas révélateur de progrès puisque deux de ses membres sont « en guerre » (la Grèce et la Turquie).
L’ensemble de ces facteurs permet de supposer que l’OTAN n’a plus de raison d’exister. Bertrand Badie s’interroge sur la contribution négative de l’OTAN aux nouvelles et futures formes d’équilibre dans une société mondialisée.
La politique diplomatique américaine de D. Trump à J. Biden
Le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves le Drian a constaté que la politique américaine de Joe Biden ressemblait beaucoup à celle de Donald Trump contrairement au changement d’attitude diplomatique qui pouvait être attendu.
Mais pour Bertrand Badie il est impossible que l’élection de Joe Biden puisse réviser l’ensemble de la politique diplomatique américaine et ce pour deux raisons. D’abord, il est très rare en sciences-politiques qu’une rupture totale ne survienne ; les politiques étrangères étant menées par plusieurs acteurs simultanément. Ensuite, Joe Biden a été élu avec son programme mais il doit aussi s’engager auprès des 75 millions d’électeurs ayant voté pour D.Trump. Ces derniers sont partisans du Trumpisme, mouvement extrêmement profond qui secoue les Etats-Unis depuis des années, porté par une population de classe moyenne relativement appauvrie par la mondialisation. Cette population a développé un sentiment nationaliste, souverainiste ou encore protectionniste représentant une grande partie de l’électorat de D.Trump, que J.Biden ne peut ignorer.
L’Afghanistan et le retrait des troupes américaines
A la fin de l’été 2021, suite au retrait de l’armée américaine, les talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan. Les puissances du Conseil de sécurité ne sont pas parvenues à trouver un accord commun à cause de leur vision différente de la diplomatie. D’une part, les pays appliquant la diplomatie occidentale se ferment aux opportunités et campent sur leurs positions sans réussir à s’en détacher. D’autre part, la diplomatie « attrape-tout » consiste à être pragmatique et souple, c’est-à-dire être ouvert à des partenariats en fonction des besoins du moments et in fine tirer profit de la rigidité occidentale.
Bien que certains déplorent le retrait des troupes américaines, selon Bertrand Badie les vingt années d’intervention militaire américaines ont complètement échoué pour créer les données « d’un Afghanistan viable ». En effet, ce pays est actuellement en « détresse sociale », 15 millions d’Afghans souffrent de malnutrition, parmi lesquels la moitié sont des enfants La souffrance sociale est d’une telle ampleur que la solution la plus acceptable par rapport à toutes les désillusions rencontrées auparavant, consisterait à s’entendre avec les talibans.
De manière générale, Bertrand Badie rappelle qu’aucune intervention militaire n’a mené à un résultat positif car non seulement elles ont échoué mais elles ont aussi aggravé la situation.
Les institutions onusiennes ont entre leurs mains tous les instruments pour guérir ces souffrances sociales, il leur incombe donc d’intervenir et d’essayer de sortir les pays en difficulté de leur détresse.
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